Ayant moi-même travaillé sur les virus d’insectes (c’est Diane qui écrit), je ne pouvais pas passer à côté de cet évènement planétaire pour parler des virus. Car oui les insectes ont aussi leurs propres virus !
Mais qu’est-ce qu’un virus ?
Ce ne sera pas un cours complet sur les virus mais voici quelques bases historiques et théoriques.
Lwoff en 1957 a donné la première définition des virus, qui est toujours valable et peut se retenir en une liste de critères qui permettent de les définir et de les différencier de tout autre organisme vivant (King et al., 2012; Lwoff, 1957) :
- Les virus sont des parasites moléculaires intracellulaires obligatoires
- Ils doivent obligatoirement entrer dans une cellule hôte (animale ou végétale, car oui les plantes aussi ont des virus) pour se multiplier.
- Les virus sont de petits agents infectieux, potentiellement pathogènes
- Ils ne sont pas tous pathogènes, c’est-à-dire, qu’ils ne produisent pas tous chez leur hôte une maladie avec des symptômes. De plus ils sont tout petits puisque invisible à l’œil nu et plus petit que les cellules qu’ils doivent envahir.
- Les virus possèdent un seul type d’acide nucléique (ADN ou ARN) qui est la forme transmissible du virus (présente dans la particule virale)
- Chez l’Homme, c’est l’ADN qui constitue notre génome, chez les virus cela dépend des familles virales. C’est ensuite ce génome viral (ADN ou ARN) que l’on retrouve dans les particules du virus et qui est transmis à la cellule hôte.
- Les virus sont incapables de croitre ou de subir de division binaire
- Ils ne sont pas capables de se multiplier sur des surfaces inertes, ils ne se divisent pas comme des bactéries (une bactérie mère qui se divise en deux pour donner deux bactéries filles).
- Les virus ne disposent pas de machinerie complète capable de leur fournir de l’énergie via la respiration et doivent obligatoirement utiliser les structures de la cellule hôte.
- On revient sur l’obligation d’entrer dans une cellule hôte pour se multiplier et plus précisément pour utiliser tous les outils moléculaires de la cellule, nécessaire au virus qui s’en sert pour son propre intérêt.
Et alors, à quoi cela ressemble ?
De façon très simplifiée, la structure d’un virus se compose ainsi (Figure 1):
- Un génome (ADN ou ARN) qui contient l’information génétique du virus.
- Une « boîte » protéique qui constitue la capside virale et qui contient aussi le génome.
De manière facultative, certains virus ont en plus une enveloppe (qui contient d’autres protéines virales et qui le protège).
Comme nous, les insectes peuvent-ils avoir la grippe ?
Si la question porte sur le virus de la grippe humaine à proprement parlé (Influenza), alors, non ! Mais par contre, les insectes peuvent être infectés par des virus qui leur sont propres et avoir des symptômes de maladie si cela en produit une. Car en effet, les virus ne sont pas tous pathogènes, c’est-à-dire, qu’ils ne sont pas tous néfastes pour l’organisme infecté.
Il existe de nombreux virus décrits chez les insectes et nombreux sont encore à découvrir. A priori tous les insectes peuvent être concernés.
Lors de mes recherches passées, j’ai notamment pu décrire des virus chez le moustique commun Culex pipiens (Bigot et al., 2018) ou encore chez le frelon asiatique Vespa velutina nigrithorax (Dalmon et al., 2019, 2020). La description seule de ces virus ne prédit en rien s’ils sont pathogènes pour les insectes en question et demande donc des recherches supplémentaires plus poussées.
Des virus que l’on connait de mieux en mieux sont, par exemple, les virus présents chez les abeilles. Car oui, elles n’échappent pas à la règle. A l’heure actuelle, environ une petite trentaine de virus sont décrits chez les abeilles et certains produisent des maladies graves avec des symptômes importants comme des ailes déformées (Deformed wing virus), des tremblements, de la paralysie (Acute bee paralysis virus, Chronic bee paralysis virus) ou encore des morts précoces à l’état larvaire (Sacbrood virus) et adulte.
Une fourmi peut-elle être infectée par un virus présent chez l’abeille ?
Oui, il est connu que les virus passent d’un organisme à un autre. Les zoonoses (échanges de virus entre humain et animaux et inversement) sont connues (le VIH avec le singe, les grippes avec le porc ou volaille et le coronavirus (Covid-19) issu du pangolin ou de la chauve-souris).
Ces échanges de virus entre animaux d’espèces différentes sont également possibles chez les insectes. C’est notamment le cas entre les abeilles et d’autres insectes pollinisateurs, comme des bourdons, des abeilles sauvages (Tehel et al., 2016) et autres pollinisateurs (Manley et al., 2015) mais pas uniquement.
Les fourmis elles aussi peuvent potentiellement être infectées par des virus provenus d’abeilles. Le cas de virus proche du LSV (Lake Sinai Virus), un virus d’abeille, a été décrit chez 3 espèces de fourmis du genre Messor (Bigot et al., 2017). Deux autres virus d’abeilles, ABPV (Acute bee paralysis virus) et DWV (Deformed wing virus) ont été décrits comme infectant des fourmis Lasius niger et L. platythorax en Suisse (Schläppi et al., 2020). Et la liste n’est pas exhaustive…
De nombreuses routes de transmissions sont alors probables entre ces espèces différentes (Figure 2), le pollen, manger des cadavres d’insectes infectés, la présence dans le sol, etc…. De plus en plus de choses sont encore à découvrir sur les virus, c’est le cas pour les virus humains mais aussi pour les virus d’insectes !
Références bibliographiques:
Bigot, D., Dalmon, A., Roy, B., Hou, C., Germain, M., Romary, M., Deng, S., Diao, Q., Weinert, L. A. & other authors. (2017). The discovery of Halictivirus resolves the Sinaivirus phylogeny. J Gen Virol 98, 2864–2875.
Bigot, D., Atyame, C. M., Weill, M., Justy, F., Herniou, E. A. & Gayral, P. (2018). Discovery of Culex pipiens associated tunisia virus: a new ssRNA(+) virus representing a new insect associated virus family. Virus Evol 4, 1–13.
Dalmon, A., Gayral, P., Decante, D., Klopp, C., Bigot, D., Thomasson, M., Herniou, E. A., Alaux, C. & Le Conte, Y. (2019). Viruses in the Invasive Hornet Vespa velutina. Viruses 11, 1–22.
Dalmon, A., Gayral, P., Decante, D., Klopp, C., Bigot, D., Thomasson, M., Herniou, E. A., Alaux, C. & Le Conte, Y. (2020). Les virus du frelon, une menace ou un espoir ? La Santé l’Abeille 141–143.
King, A. M. Q., Adams, M. J., Carstens, E. B. & Lefkowitz, E. J. (2012). Virus taxonomy: classification and nomenclature of viruses: Ninth report of the International Committee on Taxonomy of Viruses. Virus Taxon, Elsevier A. (A. M. Q. King, M. J. Adams, E. B. Carstens & E. J. Lefkowitz, Eds.). Academic Press.
Lwoff, A. (1957). The concept of virus. J Gen Microbiol 17, 239–253.
Manley, R., Boots, M. & Wilfert, L. (2015). Emerging viral disease risk to pollinating insects: ecological, evolutionary and anthropogenic factors. J Appl Ecol 52, 331–340.
Schläppi, D., Chejanovsky, N., Yañez, O. & Neumann, P. (2020). Foodborne Transmission and Clinical Symptoms of Honey Bee Viruses in Ants Lasius spp. Viruses 12, 321.
Tehel, A., Brown, M. J. F. F. & Paxton, R. J. (2016). Impact of managed honey bee viruses on wild bees. Curr Opin Virol 19, 16–22. Elsevier B.V.